Le logement, une priorité politique

La politique du logement et le secteur de l’immobilier souffrent d’une perception déformée dans l’opinion publique, voire dans les milieux politiques.

 

Il convient d’abord de remettre en question quelques idées reçues qui sont sous-jacentes aux prises de position politiques, avant d’avoir l’ambition de fonder la politique du logement sur des données objectives.

 

Idées reçues

construction logement

La politique du logement a donné lieu, au cours des deux dernières décennies, à de nombreuses lois et décrets d’application. Pourtant, le logement qui reste une des préoccupations principales des Français malgré une amélioration des conditions de logement et un sujet de société n’a été que rarement placé tout en haut des agendas politiques.

 

Pire, la présentation qui est faite dans les médias de la politique du logement en donne une image négative auprès de l’opinion publique. Cette politique apparaît d’abord comme inefficace : la fondation Abbé Pierre montre chaque année dans son rapport que le mal logement reste une réalité pour plus de trois millions de personnes et la Cour des comptes dans ses rapports successifs met en regard du coût jugé élevé de l’aide publique des résultats qui ne seraient pas à la hauteur.

Plus généralement, le logement à la croisée de l’économique, du social et de la technique ne peut être réduit à un de ses aspects et se trouve donc dans une situation paradoxale qui conduit à minimiser son poids économique. Les professionnels du bâtiment et du logement ont du mal à contrecarrer les préjugés qui courent autour du logement, car, sans doute plus que dans d’autres secteurs, on leur dénie, en tant que groupes de pression, le sens de l’intérêt général.

 

Il convient d’abord de remettre en question certaines idées reçues.

 

  1. Le logement serait maintenant un problème ré La poursuite de la démographie prouve le contraire: la sous-estimation dans les années 90 de la « décohabitation » due notamment aux divorces et au solde migratoire a laissé penser que la construction de nouveaux logements devrait laisser progressivement la place à la réhabilitation du parc ancien. Cette illusion n’a pas perduré, mais, aggravée par la crise des premières années 90, puis celle de 2008, a conduit à une insuffisance de la construction par rapport aux besoins.

 

  1. La politique du logement ne devrait plus porter que sur la construction de logements dans les zones tendues, caractérisées par des loyers nettement plus élevés que la moyenne nationale. Or, la persistance d’un parc de mauvaise qualité dans les centres de nombreuses villes moyennes, c’est-à-dire d’un parc qui ne présente pas les caractéristiques considérées désormais comme nécessaires en matière d’accessibilité, de taille, d’isolation thermique, etc. ; n’améliore pas leur attractivité vis-à-vis des entreprises soucieuses de la qualité de l’habitat offerte à leurs personnels. De plus, cette situation conduit les ménages à renforcer leur préférence pour une maison individuelle, contribuant ainsi à l’étalement urbain.

 

  1. L’aide publique serait trop forte en France si on la compare à celle des pays voisins, encore que cela soit de moins en moins vrai du fait de la réduction des aides directes au logement opérées au cours des dernières années. Mais il faut comparer ce qui est comparable : la démographie de l’Allemagne n’est pas celle de la France, l’attachement de la France à des loyers abordables n’est pas celle de l’Angleterre. Il faut ajouter que ces comparaisons sont rendues difficiles par les différences institutionnelles et la façon d’identifier les aides. Ainsi, les dispositifs en faveur de l’investissement locatif privé sont considérés comme des dépenses fiscales, parce que dérogatoires du régime de droit commun de la fiscalité des revenus, alors même que la fiscalité des loyers est beaucoup moins favorable aux bailleurs qu’en Allemagne. Enfin, à la différence d’autres secteurs, on ne met pas suffisamment en regard les retombées positives pour l’économie et l’emploi ainsi que pour les recettes de l’Etat.

 

  1. Les professionnels ne seraient pas à la hauteur de leurs rô Tour à tour, entreprises du bâtiment, promoteurs, organismes d’HLM sont mis en cause à l’occasion de quelques dérives qui restent pourtant marginales, face à la compétence des professionnels du secteur.

 

  1. Face à cette situation, promoteurs comme acteurs du logement social, proposent, chacun dans ses domaines de compétence, des infléchissements à la politique actuelle en ayant présents à l’esprit les données budgétaires de l’

 

 

Fondamentaux de la politique du logement

 

Le premier objectif est de permettre à toutes les catégories de la population de se loger sans taux d’effort excessif dans les zones tendues que sont les bassins d’emploi. Il justifie la volonté des gouvernements successifs de favoriser la construction de logements dans ces zones, sans pourtant réussir à assurer un logement abordable aux plus pauvres et à éradiquer le mal logement.

 

Le second objectif est d’améliorer l’habitat dans les zones non tendues, dès lors que leur faible qualité contribue à la faible attractivité de ces territoires, n’encourageant pas des entreprises à s’y installer.

 

La politique du logement ne doit pas être pensée indépendamment des besoins de mobilité professionnelle et de la politique d’aménagement du territoire (il suffit de penser à de nombreuses villes moyennes et petites villes dont même l’économie résidentielle est fragilisée avec la disparition des commerces de centre-ville).

 

Quelques chiffres et rappels historiques

 

En 1978, lors de la mise en place de la réforme du logement sur les idées proposées par Raymond Barre, qui consistaient à remplacer partiellement les aides à la pierre par une nouvelle aide à la personne, les barèmes adoptés pour cette nouvelle aide étaient calibrés afin que le taux d’effort des ménages soient voisins de 18%, sur toute l’étendue de leurs ressources, entre les ménages recevant un SMIC mensuel à taux plein et ceux avoisinant les plafonds de ressources du logement social.

 

En mars 1987, une commission présidée par M. Max Laxan, alors Gouverneur honoraire du Crédit Foncier de France, préconisait de passer le taux d’effort à 22,4% pour les ménages dont les revenus s’approchaient du plafond. Cette proposition n’était pas retenue par le ministre Pierre Méhaignerie qui, en juillet 1987, décidait que les ménages dont les revenus étaient les plus faibles verraient leur APL revalorisée de 30 à 50 Francs par mois environ, et qu’au-delà d’un niveau de ressources égal à un SMIC mensuel l’écrêtement serait la règle, l’APL diminuant de 50 à 150 euros par mois.

 

Ainsi les taux d’effort n’étaient plus linéaires et pouvaient atteindre 25% pour les ménages présentant les ressources les plus élevées.

 

Trente-deux ans plus tard la physionomie du public et notamment de ses ressources a profondément évolué, près de quatre millions de ménages en France étant en situation de mal logement présentent des ressources inférieures à un SMIC mensuel.

Pour les ménages recevant un SMIC mensuel, le taux d’effort est passé à 31%, alors qu’il atteint 50% environ pour les ménages dont les ressources les placent en dessous du seuil de pauvreté.

 

Dans le même temps, environ 50% des ménages logés en HLM disposent de ressource inférieures aux plafonds de ressources (et de ce fait ne sont pas assujettis au supplément de loyer de solidarité), tout en présentant un niveau de ressources supérieur à celui de l’application de l’APL dont ils ne bénéficient donc pas. Ces ménages, dont la légitimité de leur présence en HLM n’est pas contestable, connaissent un faible taux d’effort voisin de 8 à 10%, ce qui peut être considéré comme une « rente de situation ».

 

Nos propositions concernent chacune des catégories de logement : des dispositions qui concernent le logement social dune part, la promotion immobilière dautre part

 

1/ La politique du logement mise en œuvre par les organismes regroupés dans l’Union Sociale pour l’habitat : la politique des loyers 

 

Elles se fondent sur un constat: la situation n’est plus la même que lorsque la loi de 1977, qui reste le fondement de la politique du logement, a été votée. 1. La sociologie des ménages a fortement évolué : familles éclatées, nouvelle pauvreté, vieillissement de la population, 2. La décentralisation conduit les collectivités territoriales, déjà compétentes en matière d’urbanisme, à s’investir davantage dans le développement de l’habitat, en tenant compte de la diversité de leurs territoires;

 

Dans les zones tendues, on observe une inégalité face au logement, rendant impossible la mise en œuvre du droit au logement (DALO). Les plus pauvres ont souvent des revenus qui ne leur permettent même pas d’accéder à un logement HLM et se trouvent contraints à des solutions de fortune : habitat dégradé, hébergement, …

Les moins pauvres qui n’ont pas eu la chance d’entrer dans un logement HLM doivent supporter des taux d’effort excessifs dans la location privée, les loyers n’étant couverts que partiellement par l’aide à la personne.

 

Ainsi, le « trou » entre les loyers sociaux et les loyers libres dans les zones tendues conduit à un taux d’effort insupportable pour les plus pauvres dans les logements HLM et, en revanche, à une rente de situation des ménages HLM proches des plafonds de ressources.

 

Cette situation justifie que les loyers sociaux nets soient reliés aux ressources, assurant une solidarité entre les plus pauvres et ceux qui sont proches des plafonds de ressources, sans coût pour les finances publiques.

 

Il pourrait être envisagé la mise en place d’un nouveau dispositif d’aide, soit complémentaire à l’APL, soit intégré en elle, dont le but serait d’assurer un « reste à vivre » minimum dont pourraient bénéficier les ménages présentant les plus faibles ressources.

Il conviendrait bien entendu que la mise en place de ce nouveau dispositif permette pour chacune des résidences de préserver, lorsqu’il existe, un niveau convenable de mixité sociale, et en cas d’absence de celui-ci de l’établir. Ce résultat pourrait être atteint en déclinant pour chacune des résidences les orientations du programme local de l’habitat (PLH) au niveau de chaque convention d’utilité sociale (CUS) qui est contractée entre l’Etat local et l’organisme pour chaque résidence. La CUS fixerait ainsi les objectifs de répartition des différents niveaux de ressources des populations accueillies.

 

L’Etat pourrait exercer son contrôle de légalité et vérifier la bonne application par l’organisme de ses engagements contractuels grâce à l’enquête ressources, déjà effective et obligatoire chez les organismes depuis plusieurs décennies. L’Etat s’assurerait ainsi du bon respect des niveaux de ressources des locataires logés et des locataires entrants, en cohérence avec les objectifs fixés pour chacune des résidences et pourrait imposer, en cas de dérives constatées, des inflexions des politiques d’attribution afin d’atteindre les objectifs de mixité fixés dans les CUS. Ces mesures seraient d’application immédiate au niveau des programmes de construction neuve (« le flux »).

Elles s’appliqueraient immédiatement sur le patrimoine existant (« le stock »), en veillant à ce que l’application des politiques d’attribution lors de la libération des logements devenus vacants à la suite du départ de certains locataires soit conduite de telle manière qu’elle ait pour objectif d’atteindre la répartition entre les différents niveaux de ressources des populations logées, telle que prévues par la CUS de chacune des résidences.

 

 

Toujours en zones tendues, et afin que la mise en place de ce complément d’aide soit neutre pour les finances publiques celle-ci pourrait trouver ses ressources par la mise en place concomitante dun complément de solidarité (Cso) dont s’acquitteraient les ménages logés en HLM, et présentant un niveau de ressources les excluant de l’APL.

 

Ainsi, en mettant en place un dispositif « aide renforcée/contribution de solidarité » qui permettrait d’obtenir des loyers nets devenus compatibles avec les ressources des plus pauvres et des plus solvables, les organismes d’HLM retrouveraient leur pleine légitimité sociale.

 

En fixant des loyers nets modulés selon le niveau de ressources et pouvant aller jusqu’à 80% des loyers libres pour les ménages présentant un niveau de ressources proche du plafond, ils priveraient d’argument ceux qui, s’appuyant sur l’existence de rentes de situation, prônent la réduction des plafonds de ressources. Et surtout une telle mesure permettrait aux bailleurs sociaux de retrouver leur vocation de bailleurs à vocation généraliste, y compris sur le locatif intermédiaire où leur but non lucratif les met en meilleure position que les traditionnels « investisseurs institutionnels », et cela sans coût supplémentaire pour les finances publiques.

 

Il faut convient d’ajouter qu’un accueil facilité par les organismes HLM des populations les plus fragiles, assorti, si nécessaire, d’un accompagnement social, favoriserait la sortie de ménages aujourd’hui « coincés » dans les structures d’hébergement.

 

 Le projet de mise en place d’un « revenu universel d’activité » (RUA)

 

Le revenu universel d’activité sur lequel planche le gouvernement viserait, selon certaines informations qui ont filtré au cours des débats sur ce sujet, à fusionner plusieurs aides sociales existantes afin d’assurer « un maximum de simplification », avec un seul dossier et un seul revenu

 

L’objectif serait, à minima, de fusionner le revenu de solidarité active (RSA), les aides au logement et probablement la prime d’activité dans un seul revenu, mais « tous les scénarios seront posés sur la table », a précisé la secrétaire d’Etat Christelle Dubos. D’autres prestations, comme l’allocation adulte handicapé (AAH) et l’allocation de solidarité spécifique (ASS), ont été mentionnées pour entrer dans ce revenu unique dont le périmètre doit encore être précisé.

 

La réforme, censée permettre un meilleur accompagnement, est en principe assortie du principe de versement automatique des minima sociaux, grâce à l’échange de données entre les administrations. Cette automatisation doit permettre de limiter le « non-recours au droit », qui fait qu’aujourd’hui près d’un million de personnes pouvant y prétendre ne demandent pas la prime d’activité et que 30% des ayants-droit ne touchent pas le RSA.

 

Ce nouveau dispositif, dont le principe paraît positif, serait cependant de nature à bouleverser totalement plus de quarante années de fonctionnement du système des aides au logement, dont nous convenons qu’il était devenu obsolète et de plus en plus inadapté et injuste.

 

Ce projet de « revenu universel d’activité » présenterait des risques et ce nouveau dispositif devrait être mis en œuvre en prenant plusieurs précautions :

 

  1. Dans la version actuelle du projet, les actuelles aides au logement représenteraient à elles seules environ 50% de l’enveloppe du « panier» des aides destinées à être fusionné Les appétits de croissance de leurs budgets des autres gestionnaires des aides hors logement pèseraient potentiellement très lourd sur le budget consacré au logement qui pourrait être considéré par ces autres acteurs comme une ressource abondante et sollicitable.

 

  1. b) L’expérience, souvent douloureuse, du dysfonctionnement du système actuel des aides au logement nécessiterait que soient prises de grandes précautions sur le calibrage de ce nouveau « revenu universel d’activité », compte tenu du poids très important de la dépense logement dans le budget des ménages et sur l’impact considérable qu’aurait un mauvais calibrage de cette nouvelle aide en termes d’accès et de maintien des ménages dans leur logement.

 

  1. c) Il semblerait que le « revenu universel d’activité » serait versé intégralement au ménage alors qu’actuellement l’APL est versée au bailleur. Cela présenterait demain un accroissement important du risque des impayés de loyers et de charges, en fonction des arbitrages qu’effectueraient les ménages, lesquels ne privilégieraient pas nécessairement l’allocation de cette aide au paiement de leur loyer et de leurs charges locatives.

 

 

2/  La promotion immobilière

 

Le déficit constaté aujourd’hui dans la production de logements par rapport aux besoins ne peut être couvert sans l’implication de la promotion immobilière. Les relations entre celle-ci et les organismes de logement social se sont d’ailleurs développées, notamment avec la politique de la vente en état futur d’achèvement (VEFA) qui allie le savoir-faire du promoteur et celui de l’organisme de logement social, seul à bien connaître les besoins des populations qu’il faut aider à se loger.

 

Il est nécessaire, dans ces conditions, d’aborder les propositions de la promotion immobilière avec toujours le souci, comme pour le logement social, de préserver les finances de l’Etat.

 

constructionLa question majeure dans les zones de tension immobilière, et surtout dans l’agglomération parisienne, sur la Côte d’Azur et dans quelques grandes métropoles, est celle de l’écart qui existe entre le loyer libre que beaucoup de ménages subissent comme un poids majeur dans leur budget et celle du loyer acquitté par les locataires du secteur social dont les ressources ne permettent pas d’obtenir l’APL mais leur ont permis d’entrer dans le parc social. Ces derniers ont, dans ces zones, beaucoup de difficultés à s’orienter vers le logement locatif privé ou à accéder à la propriété. Mais le problème dépasse largement cette catégorie de ménages et concerne tous les ménages, et particulièrement les familles, qui supportent des taux d’effort excessif dans la location privée et qui ne peuvent accéder à la propriété que dans la périphérie des agglomérations.

 

Cette situation constitue un triple problème:

  • mobilité économique: difficulté pour certains ménages de prendre un emploi dans un bassin d’emploi faute de trouver un logement abordable,
  • pouvoir d’achat: ponction exorbitante sur les ressources des ménages, même de ceux qui peuvent bénéficier des aides personnelles au logement dès lors qu’elles ne couvrent pas la différence entre les plafonds de loyers pris en compte pour leur calcul  et les loyers de marché,
  • environnement: congestion automobile créée par l’allongement des trajets domicile-travail; artificialisation des sols et modification du paysage dues à l’étalement urbain dans des zones rurales.

 

Aussi, est-il souhaitable d’accueillir des propositions de la promotion qui permettraient aux classes moyennes et notamment aux familles, de pouvoir se loger dans des conditions compatibles avec leurs revenus et de faciliter la mobilité professionnelle   et d’améliorer la fluidité au sein du parc social.

 

L’objectif principal de ces propositions est de permettre aux promoteurs d’équilibrer des opérations comportant des logements locatifs « intermédiaires » et des logements en accession « maîtrisée » à côté de logements libres. A cette fin, deux types de mesures devraient être retenues:

 

  • celles qui permettent d’obtenir une meilleure densité du bâti par rapport au foncier: garantir en zone tendue d’utiliser la totalité de la constructibilité prévue dans les plans locaux d’urbanisme (PLU), imposer un seuil minimal de constructibilité dans les zones urbaines, rendre possible le cumul des majorations actuelles de constructibilité jusqu’à 100%, prévoir une majoration spécifique pour l’accession maîtrisée,
  • les mesures qui favorisent la dissociation du foncier, porté par un investisseur -personne morale ou personne physique – pendant une période longue, et du bâti, réduisant ainsi le coût d’opé Cela a pour effet d’abaisser le loyer de 20% et de le rapprocher des plafonds de loyer du logement social.

 

Deux autres réformes sont essentielles:

 

  • réformer en profondeur les droits de mutation dont les taux sont beaucoup plus élevés qu’à l’étranger et qui freinent la mobilité, tout en se nourrissant de la spéculation immobilière
  • appliquer la TVA intermédiaire de 10% en zones tendues dans la bande des 300 à 500 mètres autour des quartiers de la politique de la ville, pour assurer une diversification sociale.

 

 

 

3/ La nécessaire décentralisation des politiques du logement

 

Si l’on met à part les différents régimes juridiques qui encadrent le fonctionnement de l’immobilier (organismes HLM, copropriété, loyers, statuts des professionnels,), les leviers dont dispose l’Etat passent avant tout par les aides au logement, auxquelles il faut ajouter l’article 55 de la loi SRU[1].

 

Si l’on reprend la classification des comptes du logement, les aides au logement sont de cinq types :

  • les prestations d’aide au logement (21,4 milliards d’euros),
  • les subventions d’exploitation (0,2 milliard d’euros),
  • les subventions d’investissement (2,1 milliard d’euros),
  • les avantages de taux (2,8 milliards d’euros),
  • les avantages fiscaux (15,5 milliards d’euros),

soit un total de 42 milliards d’euros en 2017.

 

Les prestations d’aide au logement auxquelles l’Etat contribue à hauteur de moins de 40% sont constituées principalement des trois aides personnelles au logement (APL, ALF, ALS). La marge de manœuvre de l’Etat sur les « aides à la personne » reste limitée. Les contraintes budgétaires conduisent souvent les pouvoirs publics à rechercher des économies sur le principal pôle de dépense en matière de logement. Par ailleurs, si le revenu universel d’activité devait être adopté et s’il était confirmé qu’il fusionnerait plusieurs aides actuelles, dont les aides personnelles au logement, c’est un levier de la politique de l’Etat en matière de logement qui disparaîtrait.

 

Les subventions d’exploitations sont devenues marginales. Les trois autres catégories constituent ce que l’on appelle couramment les « aides à la pierre ».

 

Les subventions d’investissement auxquelles l’Etat contribue à hauteur de moins de 30% comprennent d’abord les aides au logement locatif social. Hors politique de renouvellement urbain mise en œuvre par l’ANRU, ces aides se sont considérablement réduites et sont devenues minoritaires par rapport à celles des collectivités territoriales. Elles servent essentiellement à déclencher l’octroi des avantages de taux (prêts de la CDC) et des avantages fiscaux. En définitive, le seul rôle de l’Etat central est de répartir entre les régions, la dotation nationale destinée aux organismes HLM. Le rôle de l’Etat local a largement perdu de son importance dans le choix des programmes, dès lors qu’une partie des subventions sont accordées par les intercommunalités et les départements qui ont obtenu la délégation de compétences. Les autres principales aides sont gérées par l’ANRU et l’ANAH.

 

Les avantages de taux concernent principalement les prêts de la CDC qui sont accordés aux organismes HLM dès lors qu’ils ont bénéficié d’une subvention, ainsi que les prêt à taux zéro qui relèvent d’une logique de guichet.

 

De même, les avantages fiscaux qui concernent les organismes HLM résultent automatiquement de l’octroi de la subvention. Quant à l’aide à l’investissement locatif aidé, elle résulte de la seule décision de la personne physique qui investit dans un logement neuf répondant aux critères de la loi.

 

On constate donc que, sauf pour les subventions d’investissement accordées par l’Etat local aux organismes HLM, l’Etat se borne à fixer des barèmes nationaux, qui prévoient notamment une modulation des aides selon la localisation de l’investissement dans l’une des grandes zones définies par la loi. Il s’agit d’une maille large qui est loin de correspondre à la diversité des marchés immobiliers sur un même territoire, même restreint.

 

Les compétences des collectivités territoriales, pour leur part, n’ont cessé de progresser. La première étape, la plus importante, a été celle de la décentralisation en matière d’urbanisme. Mais ce n’est pas tant la compétence, en principe « compétence liée », des maires pour délivrer les permis de construire qui est déterminante sur la construction de logements que celle des communes, puis des intercommunalités pour établir les PLU dans la mesure où ils déterminent très concrètement les possibilités de construction sur un territoire donné.

 

Il convient à cet égard de suggérer que cette montée en compétence des collectivités territoriales en matière d’élaboration et de mise en œuvre du droit de l’Urbanisme s’opère en liaison étroite avec les services locaux déconcentrés de l’Etat qui devraient être consultés et qui joueraient un rôle de conseil, afin d’éviter certaines dérives, telles que celles apparues dans certaines régions (Exemple : Chamonix), dans lesquelles par exemple le remplacement de la notion de COS (coefficient d’occupation des sols) par une règle de respect de l’épannelage des constructions nouvelles avec celui de ses voisines –règle compréhensible en secteur urbain dense, afin d’éviter que la limitation due au COS, notamment pour les parcelles d’angle, n’induise des morphologies urbaines en rupture avec le tissu avoisinant – a pu conduire aux abus d’une sur-densification injustifiée.

 

Dans une seconde étape, les programmes locaux de l’habitat (PLH) ont été introduits pour fonder des politiques locales de l’habitat. Mais si, au fur et à mesure, de leur renouvellement, les PLH deviennent plus opérationnels, il semble qu’ils ne soient pas véritablement appropriés par les élus sur l’ensemble du territoire national. Par ailleurs, il apparaît qu’assez souvent les volumes de construction de logements locatifs sociaux retenus annuellement par l’Etat ne correspondent pas aux objectifs des PLH, soit par défaut, soit par excès.

 

Le moment n’est-il pas alors venu de reconnaître que seules les collectivités territoriales sont en mesure de conduire au plus près des citoyens, une politique de l’habitat, d’ailleurs plus large que celle du logement, car prenant en compte l’ensemble des catégories de construction (locatif social, locatif, privé, accession à la propriété) et intégrant la localisation des logements ? 

 

Quels en sont les risques ?

 

Perte de la solidarité nationale ? S’il s’agit d’assurer un logement aux ménages les plus modestes, le principal levier pour la construction de logements locatifs sociaux reste plus l’article 55 de la loi SRU que l’octroi par l’Etat des subventions aux organismes HLM.

 

Inadaptation des collectivités territoriales ?

 

Le regroupement des communes autour d’intercommunalités beaucoup plus importantes que par le passé donne la possibilité aux élus de mener de véritables politiques locales de l’habitat sur des territoires plus vastes.

 

Mauvaise application des règles nationales par les élus ?

 

Donner aux élus la responsabilité juridique en matière de logement, c’est aussi leur donner une responsabilité politique qu’ils ne peuvent éluder face aux citoyens, aux associations et aux professionnels de leurs territoires. Toutefois, pour les collectivités qui « ne joueraient pas le jeu » pour répondre aux besoins locaux de construction, le rôle de l’Etat local devra être renforcé pour faire appliquer la loi. Cela passe par un véritable contrôle de légalité en matière de documents d’urbanisme et de permis de construire, mais aussi par une implication plus forte des services dans les processus d’élaboration et de suivi des PLH. Les préfets devront en revanche veiller à ce que leurs collaborateurs inscrivent bien leur travail de contrôle avec la volonté de contribuer à l’augmentation du nombre de logements construits et non de privilégier la procédure aux dépens du résultat.

 

Absence de régulation du volume des avantages de taux et des avantages fiscaux ?

 

Le volume des avantages accordés aux personnes physiques (PTZ, investissement locatif privé) dépend de leurs seules décisions, en l’absence de subvention ou d’agrément, l’Etat pouvant toujours modifier les règles nationales d’octroi. Quant aux prêts de la CDC, il ne semble pas qu’il y ait une pression telle qu’il faille les contingenter.

 

Il serait donc intéressant d’expérimenter, dans certaines régions, une décentralisation portant sur :

  • l’octroi des subventions aux organismes HLM après transfert de la dotation de l’Etat aux intercommunalités d’une certaine taille, sinon aux départements,
  • la possibilité de moduler localement les conditions d’octroi des aides relevant de régimes nationaux, tels que ceux des PTZ et des aides à l’investissement locatif privé, après avoir inscrit ces modulations dans les PLH.

 

En définitive, ce sont les élus locaux qui sont les mieux placés pour identifier les besoins de logement. Les EPCI produisent les programmes locaux de l’habitat (PLH). Ils ont assez souvent aussi (avec plusieurs départements) pris la délégation des aides à la pierre leur permettant de distribuer ces aides, mais selon les critères définis au niveau national. Ne faudrait-il pas aller plus loin en leur permettant de moduler les plafonds de ressources et plafonds de loyers pour les logements HLM et les logements locatifs bénéficiant d’une aide à l’investissement locatif privé ? Une expérimentation territoriale mériterait d’être engagée.

 

La contrepartie serait un renforcement de la déconcentration au niveau des préfets : contrôle de légalité accru, suivi de l’application des PLH, vérification grâce à l’enquête ressources, déjà effective et obligatoire chez les organismes depuis plusieurs décennies, du bon respect des niveaux de ressources de locataires entrants, en cohérence avec les objectifs fixés pour chacune résidence et imposition de dispositions correctives dans le cas contraire, etc.

 

Conclusion :

 

Depuis plusieurs décennies le logement en France n’est plus considéré comme une priorité nationale. Les gouvernements successifs se sont employés à essayer de réduire les ressources budgétaires dont il bénéficiait, considérant que le logement pouvait être une source d’économies, voire de revenus pour l’Etat.

 

Disons ici que les mesures proposées dans la présente note n’auraient aucune portée sociale si la mise en place des dispositifs qu’elle propose, et notamment en matière d’aides complémentaires et de contribution de solidarité, devaient être considérées comme un moyen de réduire encore les ressources consacrées au logement et se traduire par des ponctions complémentaires.

 

Seule l’affirmation claire et forte par les politiques de leur volonté de redonner au logement le statut de priorité nationale peut permettre la mise en œuvre de mesures destinées à rétablir une meilleure équité entre les ménages, avec naturellement pour préoccupation de ne pas accroitre globalement l’effort budgétaire actuel.

[1] Site internet du ministère: «  Les communes de plus de 3 500 habitants – et de 1 500 habitants en Île-de-France – appartenant à des agglomérations ou intercommunalités de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants doivent ainsi disposer de 25 % de logement social, en regard des résidences principales, d’ici 2025.Toutefois, dans les communes appartenant à des territoires dont la situation locale ne justifie pas un renforcement des obligations de production, cette obligation est fixée à 20 % de logements sociaux.

Par ailleurs, les communes de plus de 15 000 habitants en croissance démographique de plus de 5 %, ne se situant pas dans les territoires précités et justifiant d’un effort de production supplémentaire au vu du fonctionnement de leur marché local de l’habitat, ont également l’obligation de disposer de 20 % de logements sociaux. Ces communes sont dites « isolées ».